MAIGRET AUX ASSISES by GEORGES SIMENON

MAIGRET AUX ASSISES by GEORGES SIMENON

Author:GEORGES SIMENON [SIMENON, GEORGES]
Language: eng
Format: epub
Publisher: LE LIVRE DE POCHE
Published: 2012-01-01T15:35:24+00:00


CHAPITRE V

Vers onze heures et demie, Maigret était descendu un moment du taxi boulevard de Charonne. Un Jussieu au visage inexpressif de ceux qui font une planque de nuit était sorti sans bruit de l’ombre, avait désigné, au-dessus d’eux, une fenêtre éclairée du troisième étage. C’était une des rares lumières dans le quartier, un quartier où les gens vont au travail de bonne heure.

Si la pluie tombait toujours, les gouttes s’étaient espacées et on commençait à voir une lueur argentée entre les nuages.

— Cette fenêtre-là, c’est la salle à manger, avait expliqué l’inspecteur, qui répandait une forte odeur de cigarette. Dans la chambre, il y a une demi-heure que la lampe s’est éteinte.

Maigret attendit quelques minutes, espérant surprendre de la vie derrière le rideau. Comme rien ne bougeait, il rentra se coucher.

Par les rapports et les coups de téléphone, il allait reconstituer, le lendemain, puis suivre heure par heure l’activité des Meurant.

À six heures du matin, alors que la concierge rentrait les poubelles, deux autres inspecteurs allèrent prendre la relève, sans toutefois pénétrer dans la maison car, de jour, il n’était plus possible que l’un d’eux se tienne dans l’escalier.

Le rapport de Vacher, qui y avait passé la nuit, tantôt assis sur une marche, tantôt debout contre la porte, dès que quelque chose bougeait dans le logement, était quelque peu déroutant.

D’assez bonne heure, après un repas au cour duquel le couple n’avait presque pas parlé, Ginette Meurant était passée dans la chambre à coucher pour se déshabiller ; Jussieu, qui l’avait vue, de l’extérieur, en ombre chinoise, passer sa robe par-dessus sa tête, le confirmait.

Son mari ne l’avait pas suivie. Elle était venue lui dire quelques mots, s’était apparemment couchée cependant qu’il restait assis dans un fauteuil de la salle à manger.

Par la suite, à plusieurs reprises, il s’était levé, avait marché de long en large, s’arrêtant parfois, repartant, se rasseyant.

Vers minuit, sa femme était venue lui parler à nouveau. Du palier, Vacher ne pouvait pas distinguer les mots, mais il reconnaissait les deux voix. Le ton n’était pas celui d’une dispute. C’était une sorte de monologue de la jeune femme, avec, de temps en temps, une très courte phrase, voire un seul mot du mari.

Elle s’était recouchée, toujours seule, semblait-il. La lumière ne s’était pas éteinte dans la salle à manger et, vers deux heures et demie, Ginette était revenue à la charge une fois encore.

Meurant ne dormait pas, car il avait répondu tout de suite, laconiquement. Vacher pensait qu’elle avait pleuré. Il avait entendu, en effet une complainte monotone ponctuée par des reniflements caractéristiques.

Toujours sans colère, le mari la renvoyait dans son lit et sans doute s’assoupissait-il enfin dans son fauteuil.

Plus tard, un bébé s’était éveillé à l’étage au-dessus ; il y avait eu des pas assourdis puis, dès cinq heures, les locataires avaient commencé à se lever, les lampes à s’allumer, l’odeur du café avait envahi la cage d’escalier. À cinq heures et demie, déjà, un homme partait pour son travail et regardait curieusement l’inspecteur qui n’avait aucun moyen de se cacher, puis regardait la porte et paraissait comprendre.



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